Toc toc… toc toc…
Le temps a perdu ses secondes. Il se cristallise entre deux battements et revit dans leurs échos. Il ne se compte plus qu’à petits coups. Qu’est-ce qu’un calendrier peut savoir à son propos ? Camus ne comprend pas plus l’absurde qu’Einstein la relativité. Comment pourraient-ils savoir qu’en cet instant se joue la plus grande incongruité qui ait jamais existé ?
Un toc, deux toc… C’est absurde. Comment peut-on se jouer du temps aussi souvent ? Comment ce jeu peut-il reposer sur quelque chose d’aussi frêle ? Même les enfants ne jouent pas si longtemps, même eux se fatiguent parfois. C’est sans doute que tu n’y penses pas, que parce que tu lui fais confiance, tu n’y accordes pas autant d’importance. Mais moi qui compte le temps à ses battements, c’est le temps qui mourrait s’ils cessaient leur jeu. Les choses essentielles semblent toujours plus fragiles. Savoir qu’un univers ne tient qu’à une cadence est absurde. Savoir que cette cadence si organique, si précaire a enterré nombre de calendriers me semble inconcevable. Alors j’écoute. Je veille. J’assure la garde de ton tambour. Ici, le temps perd son importance au profit du rythme. Tout ce qui importe, c’est ce corps qui résonne sous ma joue.
Malheureusement, la jalousie du temps n’a d’égal que sa puissance. Demain, je compterai les secondes sous la tyrannie du calendrier et l’absurdité portera le nom de Camus sur une copie d’examen. La relativité deviendra une équation mathématique et ton corps, un lointain souvenir.
C’est absurde. Demain, le temps m’emportera loin de ce qui importe pour m’enfermer dans de longues secondes qui ne trouvent plus le temps, mais si je ne peux veiller sur tes battements, qui s’occupera de lui ?